Perit ut vivat !




Le grand encyclopédiste médiéval Vincent de Beauvais nous apprend qu’Adam ayant été créé à 9h, il a péché à 10h et a été chassé du Paradis à 11h. Bref, l’affaire n’a pas traîné ! Le Septième Jour, quand Dieu se déclare pleinement satisfait de la Création, l’homme, est donc déjà exclu du Paradis. On reconnaît là l’antihumanisme médiéval, malgré les nombreuses renaissances qui ont précédé la Renaissance. On reconnaîtra là aussi la trace de tout ce qui sépare la religion de l’ésotérisme, selon René Guénon : la coupure irrémédiable entre le Créateur et la créature. 

Or, depuis les Constitutions d’Anderson, les francs-maçons affirment qu’ils partagent quelque chose avec Dieu, la géométrie : « Adam, notre premier parent, créé à l’image de Dieu, le Grand Architecte de l’Univers, dut avoir les sciences libérales, particulièrement la Géométrie gravées dans le cœur ». Nous avons fait de la géométrie avec notre Créateur au Paradis. Cette ancienne intuition platonicienne, qui reprend vigueur à l’Age classique pour réorienter la modernité, Willermoz en fait la raison ultime pour ne pas abandonner la Franc-maçonnerie, face à Louis-Claude de Saint-Simon en particulier. Les objets miraculeux que sont l’arche de Noé, l’Arche d’Alliance et le Temple de Salomon, procédant de cette familiarité initiale avec Dieu, garantissent l’humanisme nécessaire, même pour les pires misanthropes. 

Au siècle passé de ma jeunesse, les gourous de l’Inde virent affluer des Occidentaux très malheureux, de bonne et de moins bonnes familles, qui ne pouvaient pas se débarrasser du puritanisme à la manière de « Papa » (Hemingway), comme dans les années 20 : sexe, alcool et voyages. Contrairement à leurs prédécesseurs, ces jeunes Occidentaux étaient « révolutionnaires », ils attendaient la fin de la société industrielle. Les gourous de l’Inde, pour les sauver d’eux-mêmes, leur proposèrent d’abandonner leur ego et leur mental. Moyennant quoi, les jeunes Occidentaux passèrent leur vie, dans leur château ou leur masure, à se contempler le nombril en attendant la prochaine réincarnation. 

Or, sans mon ego et mon mental, aurais-je pu conduire mes études, mes classes, mes séminaires, et finalement ma Loge ? Le désintéressement renforce l’ego, et la subtilité mentale permet de discerner la bonne voie dans les différentes situations auxquelles nous sommes confrontés (ce que demande le Roi Salomon à Dieu comme le premier bien). Adhuc stat, comme le dit la maxime du Premier degré de notre Rite. 

Mais la Chute alors ? Le thème du « Serpent dans l’Arbre » est analysé par René Guénon comme la représentation du Temps dans l’Éternité (voir Le Symbolisme de la Croix, 1931). En mordant dans le fruit de la Connaissance, l’homme a fait un pas en avant. Certes, il a quitté le Jardin idéal, et la conciergerie du Paradis mais, par son travail et par la reproduction sexuée, il s’est mis en route vers la Jérusalem Céleste. Perit ut vivat !






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