Un, l'unité, l'union

 





Il semble que la passion prédominante de l’humanité en ce moment soit de prendre des vacances, de partir, de voyager, de se retrouver seul ou en famille dans une vaste nature, si possible sauvage. Loin des obligations, des tyrannies de l’agenda, des intrications relationnelles. Ce syndrome de l’humanité confinée étant collectif, tout le monde se retrouve dans les moyens de transports insuffisants et les paysages surchargés de touristes à un point encore inégalé. En fait, on n’a jamais commandé autant d’avions et de paquebots, malgré la guerre et l’inflation. Le « monde d’après » semble vouloir ressembler fortement au « monde d’avant ». Mais la « Big Dem », l’instabilité professionnelle, est couplée avec l’idée de changer de vie, de retrouver l’espace et la distance nécessaire aux retrouvailles avec soi-même, aidées par l’épargne involontaire, après l’aliénation forcenée des années d’austérité. Il faut donc essayer de discerner dans la confusion du présent la lassitude du multiple et de la division. Paradoxalement, une certaine quête de l’unité avec soi-même, les siens et le monde.

S’unir avec le monde, telle est la visée du Sage, dans toutes les cultures et les civilisations. Les agités et les manipulés admirent la constance du Sage, « maître de lui-même comme de l’univers », qui représente comme un point fixe, un gnomon dans les tourbillons du sensible. Toujours et partout il y a eu des sages dans l’humanité, qui semblent se répondre de moment en moment et de lieu en lieu. Quel est le secret du Sage ? User du compas pour restreindre ses désirs, ses engagements, son agenda. Vivre simplement, en montagne, dans une petite cabane. Remplir son cœur de la poésie du passage du temps et des saisons. Prendre le temps d’écouter soigneusement les rescapés de la civilisation qui viennent demander conseil. Parler le moins possible pour en dire le plus possible, montrer que le monde est beau, que nous en faisons partie intrinsèque, que nous y avons notre place, que la maîtrise de la nature et de la société est une illusion, et que la réduction des besoins est le premier pas vers la richesse.

S’unir à Dieu, telle est la visée du Mystique, dans toutes les cultures et civilisations, dans toutes les religions et même en l’absence de religion définie. C’est que la religion est toujours une médiation, qui veut régler la distance de l’homme à Dieu, distance que la mystique veut simplement abolir. Pas étonnant que la mystique soit hautement suspecte à toutes les religions, et parfois condamnée et persécutée même. Si je puis voir et sentir Dieu, à quoi bon un culte, un rite ? Mais le projet de s’unir à Dieu fait de Moi le principal obstacle à cette rencontre : « Il faut qu’il croisse et que je diminue ». Si le sacrifice est l’essence de la religion, sacrifice du Multiple à l’Un, réduction radicale du Multiple, pour mériter l’Un, alors la mystique se révèle hypersacrificielle : c’est moi-même que j’offre en sacrifice pour me supprimer définitivement.

« Mes Frères, unissez-vous à moi » dit le VMEC en ouvrant la Loge. Et pas de clôture sans « chaîne d’union ». La FM veut unir les hommes, tous les hommes virtuellement, par l’initiation. Au sommet de la FM se tiennent à la fois les symboles et la fraternité, les premiers produits autant que cause de la seconde. Le fondateur de la civilisation chinoise, Confucius, disait que les rites (mise en œuvre des symboles) remettent chacun à sa place et que la musique unit les cœurs. Dans la FM au contraire, c’est le rite accompli en commun qui unit les cœurs, et la musique quand il y en a qui permet à chacun de replonger dans sa vie intérieure pour ressentir « l’influence spirituelle » chère à René Guénon. Mais là encore, l’union des cœurs ne peut se faire sans sacrifice : le sacrifice de la vanité, de l’orgueil, de la prétention, de l’affectation, de l’arrivisme et des luttes pour le pouvoir qui limitent la fraternité et causent la perte des Loges.

 

Dans cette série de considérations sur les nombres sacrés, il faut commencer par dire que l’Un n’est pas un « nombre » et qu’il est même le contraire d’un nombre : sur le plan sacré, il est l’abîme où tombent tous les nombres. Le Deux non plus n’est pas un « nombre » : il est le contraire de l’Un, la différence, la scission, la séparation. Seul le Trois est le premier des nombres, parce qu’il ajoute le Deux à l’Un. La Vie commence : le point, la ligne, le plan, l’espace.

 



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