Maffesoli chassé du GODF




Michel Maffesoli est un sociologue, ancien professeur à La Sorbonne, qui avait poussé l’hostilité aux Lumières jusqu’à décerner un doctorat à Elizabeth Tessier pour une thèse sur l’astrologie, a professé depuis longtemps que l’individualisme, le matérialisme et le progressisme sont « saturés » (c’est son terme) : les « jeunes » (sa catégorie de référence) ne voulant plus vivre, selon lui, qu’en « tribus » émotionnelles, des identifications multiples, et de moments de communion sans lendemains ni conséquence. Pour lui, la chute de la représentation d’un avenir quelconque implique un présentisme émotionnel dans le lequel l’individualité se dissout, ainsi que la continuité personnelle. Cette évolution est présentée par lui comme un fait indiscutable, ce qui restreint la discussion et le rend assez arrogant dans les débats publics. Élève de Gilbert Durand et ami de Bruno Etienne, il s’inscrit dans cette lignée de francs-maçons qui ont voulu rendre à la raison des Lumières sa part de « rêves, mythes et fantasmagories » (comme si on n’avait pas multiplié les études sur cette part des Lumières, voir Jean Starobinski). On peut donc se demander ce que Michel Maffesoli faisait au Grand Orient, sinon provoquer ses collègues de l’Université. Enfin, il a été pris à parti par la justice maçonnique de l’obédience à cause de ses prises de position anti-confinement et antivax, contre la « psycho-pandémie », comme il dit. Dès lors, dans son pamphlet, Le Grand orient, les Lumières sont éteintes (Guy Trédaniel, 2023), il fait jouer les grandes orgues de l’antitotalitarisme : Le Zéro et l’infini à la Rue Cadet. Bien convaincu que le Conseil de l’Ordre n’est pas le Club des Jacobins ni le Parti communiste, ni l’Inquisition, il nous faut donc néanmoins constater le caractère brutal et sommaire de la justice maçonnique : on n’a tenu manifestement aucun cas de ses quarante livres et de sa longue carrière intellectuelle, et on l’a viré comme un malpropre, ce qui ne doit pas être pour rien dans son dépit. (La justice maçonnique aurait-elle des affinités avec la musique militaire, selon le bon mot de Clémenceau). Il faut dire aussi qu’il réclamait depuis longtemps, c’est sa pente politique, un « dialogue » avec le Rassemblement national et Reconquête (au Grand Orient !). L’autre référence de Michel Maffesoli, moins grandiloquente mais bien plus importante, c’est La voie substituée de Jean Baylot. Mais là, on change de registre : Jean Baylot (1897-1976), continuateur d’Oswald Wirth et de René Guénon, est le restaurateur du Rite Ecossais rectifié à la Grande Loge Nationale Française. Son livre le plus connu, La voie substituée (1968) s’en prend à la politisation de la FM sous l’influence du positivisme et de l’athéisme. Pour contrer la définition de William Preston (1742-1818) : « La FM est une morale voilée par des allégories », le courant traditionnaliste affirme avec force que la FM est d’abord une métaphysique exprimée par des symboles. Mais cette métaphysique exigeante peut-elle s’accoupler avec le « sea, sexe, rock et chamanisme » de notre jeunesse, dont Maffesoli est le dernier prophète ? Si l’avenir est au tribalisme émotionnel et aux communions momentanées, la tradition primordiale n’y trouvera pas sa place, c’est certain. Pas plus d’ailleurs que dans le populisme, qui est d’abord un matérialisme nationaliste. Que Maffesoli rejette le Grand Orient et les Lumières est dans la logique de sa trajectoire. Mais, malgré des passages très heureux et très justes sur l’homo latomicus, il n’est pas dit qu’il trouve place pour sa révolte dans la FM traditionnelle.

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