Et Dieu dans tout ça ?
William Blake
Dieu est-il le Grand Architecte de l’Univers (GADLU) ? Cette
affirmation, pourtant attestée par toute la tradition, peut présenter, pour
certains FF, un problème cognitif douloureux, obstacle à toute progression
spirituelle. La psychologie a montré en effet que l’enfant perd vers huit ans
la croyance au Père Noël (au Lapin de Pâques, à la Petite souris des dents,
etc.— tous les mythes de cette petite religion domestique, destinée à
réenchanter le monde familial), et ce malgré toutes les pressions de son entourage.
C’est que le développement cognitif de l’enfant, les schèmes de l’espace et du
temps, rendent impossible une entité capable de délivrer la même nuit des
cadeaux à tous les enfants du monde : l’espace est trop grand et le monde
trop petit. Lorsque l’adulte « perd la foi », c’est souvent à la
suite d’un processus cognitif du même type : la raison pure exclut qu’une
entité unique, un dieu « créateur des cieux et de la terre », puisse
être à l’origine de la totalité du monde phénoménal : il s’agit ici de la
catégorie de la causalité, débordée par la complexité du monde phénoménal. Pour
sauver l’unité de la Raison pure, l’homme sacrifie Dieu à son entendement. Or
ce problème purement cognitif a été traité dès l’origine de la modernité par
une solution anthropocentrique :
Dieu, chassé du monde phénoménal, se retire dans l’intériorité de l’Homme. Pour
Descartes, Dieu est d’abord l’une de mes idées (incomparable aux autres, il est
vrai). Pour Kant, il est un postulat de la Raison pratique ; pour Hegel,
une Négation. Freud dit « imago parentale », Jung dit
« archétype », Lacan dit « Signifiant ». Cette tendance à
l’intériorisation du divin a des précurseurs : gnostiques, mystiques, dévots
« modernes » ont préparé le chemin à la Modernité, laquelle se
caractérise par le tournant anthropocentrique, sans parler de la rencontre de
l’Occident avec la philosophie orientale. On pourrait dire que, des trois Idées
métaphysiques (Dieu, l’Homme et le Monde), sont sorties trois périodes de la
métaphysique : l’Antiquité cosmocentrique, le Moyen Age théocentrique, la
Modernité anthropocentrique. Si on voulait reformuler la Critique de la raison pure en logique ensembliste, on pourrait dire :
le Monde est l’ensemble des éléments, Dieu l’élément nécessaire, et l’Homme
l’élément libre. Ainsi Dieu aurait successivement résidé dans le Monde
(paganisme), en Lui-même (Théologie), et finalement dans l’Homme. Malgré toutes
les critiques philosophiques des limites de la métaphysique, la Modernité ne
suppose donc à aucun titre une « sortie » de la métaphysique :
elle est au contraire comme sa dernière ressource historiale. Dans la FM, Dieu
peut ainsi quitter la religion pour venir se placer dans la Tradition écrite en
tant que telle, sur l’autel, dans la Géométrie, ou dans l’unité du monde phénoménal
(spinozisme). Mais le plus sûr pour lui, c’est le cœur de l’Homme dont nul ne
viendra le déloger ! Même pas les bigots aigris qui, dans la FM, se
rassurent par les gris-gris de leur enfance.
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